Il faut donner toute leur importance à la respiration, seule fonction instinctive sur laquelle nous ayons immédiatement la possibilité d'intervenir, et à la relaxation musculaire. Dans beaucoup de monastères orientaux, notamment bouddhistes, l'attention aux mouvements est un exercice quotidien: je me lève consciemment, je marche consciemment, je respire consciemment. "Pas même cueillir un brin d'herbe sans savoir qu'on le fait,  et pourquoi on le fait", m'a dit un jour mon maître. Faire ce que l'on fait, être dans son geste, au lieu de penser à autre chose en même temps. Avec l'exercice cette vigilance peut se développer au point de devenir naturelle et presque permanente. (...)

Si nous sommes emportés par nos mouvements, nous le sommes encore plus par nos émotions que ce soit la joie, la souffrance, la colère. Pendant longtemps nous n'avons aucun pouvoir d'empêcher les émotions de naître mais nous pouvons, en les acceptant, les vivre consciemment, sans disparaître complètement. C'est au départ de l'émotion que la vigilance est particulièrement nécessaire. Seule cette participation active aux émotions permet de maintenir un équilibre intérieur et une permanence à travers les humeurs changeantes et souvent tout à fait contradictoires qui se succèdent et s'imposent à nous.

 


Les païens cherchaient dans le ciel véritable des leçons de sagesse et les trouvaient: l'alternance du jour et de la nuit, le cycle des saisons, l'éternel retour des choses, l'ordre du cosmos auquel il faut consentir pour obtenir sagesse, équilibre, vérité existentielle, et tout ce qui donne un sens à sa vie. Ce qui advient au soleil qui naît, croît, brille de tous ses feux, puis décroît, disparaît, meurt et renaît le lendemain, ce qui advient à la nature au printemps, à l'été, à l'automne, à l'hiver, puis à nouveau au printemps semble un schéma qui correspond à ce qui arrive aux jours. Pourquoi ce qui advient aux jours et aux saisons ne serait-il pas la loi de ce qui advient aux hommes ?

(...) Ce qu'enseigne le cosmos est un ordre du ciel qui est aussi un ordre existentiel. Il faut vouloir ce qui nous veut, là est la seule liberté que nous puissions construire. Être libre c'est obéir à la nécessité que nous enseigne la roue de l'éternel retour des choses.

 


Deux vouloirs, un seul dessein

Chaque mouvement du tai-chi est constitué de deux phases : accumulation du chi du ciel et de la terre; restitution du chi au ciel et à la terre.

Comme le tai-chi est un art martial, chacun des mouvements est destiné à nous défendre d'une attaque éventuelle, à l'arrêter, et puis à contre-attaquer. Cela implique des déplacements du partenaire, ou bien l'existence de plusieurs partenaires se succédant les uns les autres, affrontant le pratiquant par divers endroits.

Ce partenaire peut être en chair et en os, ou bien, en son absence, un point situé sur un objet concret (le mur, un arbre, un rocher). A chaque restitution du chi, le partenaire orientera son action vers ce point, qui devient ainsi sa cible.

Cette procédure permet de bien saisir la structure de chaque mouvement, ainsi que son caractère unique, à chaque fois.

En tai-chi, tout au moins dans notre école, rappelons que n'existent pas les notions d'adversaire, d'ennemi ou d'attaquant. Il s'agit toujours d'une recherche de complémentarité entre le pratiquant et son partenaire. C'est d'ici que provient le qualificatif (de partenaire) "idéal". Car il est là pour nous soutenir dans notre quête de l'essentiel en nous-mêmes. Pas pour nous vaincre, nous nuire ou nous blesser.

(...)

En fait, le partenaire idéal est un miroir dans lequel se reflètent nos intentions, nos sentiments, nos énergies. Et ce sont justement celles-ci, nos énergies internes, appelées en chinois chi, qui vont créer le lien entre nous et lui.

 


Introduction

A notre époque, les mots "maître spirituel" peuvent prêter à de dangereuses confusions. On les a en effet employés pour désigner certains créateurs de "sectes", qui, fondées principalement sur le culte de leur personnalité, ont abusé parfois un public très étendu. Ce phénomène aberrant n'en est pas moins un signe des temps, il témoigne d'un besoin réel que les églises instituées ne suffisent plus à satisfaire...

 

Un maître spirituel ne peut se confondre ni avec un professeur ni avec un psychothérapeute, ni même avec un directeur de conscience. Sa mission est de conduire les autres sur la voie qu'il a lui-même parcourue. Il les aides à opérer ce retournement du dehors vers le dedans, sans lequel il n'est point de vie spirituelle; il les dirige dans leurs exercices de méditation et de concentration, les éclaire sur les révélations qui en naîtront, les obstacles qu'ils devront surmonter, les dangers qu'ils auront à affronter. Jamais, le maître n'impose la vérité qu'il a trouvée, il permet seulement au disciple de la découvrir à son tour, en lui-même.

 


Alors qu'il venait de poser le livre de côté (...), il fut rejoint par deux hommes qui l'avaient déjà hélé de loin. Les nouveaux venus étaient également munis d'un bâton de bambou et ils avaient aussi apporté du thé. (...)

L'instant d'après, ils plongeaient leurs bâtons de bambou dans l'eau et écrivaient sur leurs îles à l'aide des éponges gorgées d'eau. Sur la pierre lisse éclairée par le soleil, leurs élégants idéogrammes paraissaient comme peints à l'encre de Chine.

 

Mais l'élégance des signes graphiques peints avec l'eau et la maestria avec laquelle ils les traçaient n'y changeaient rien - l'écriture pâlissait rapidement au soleil, s'évaporait. Lorsqu'un scribe parvenait à la fin d'une série de signes il arrivait parfois que le début se fût déjà volatilisé et que la pierre plate redevenue vierge en séchant fût prête à en recevoir une nouvelle série. Il arrivait aussi que l'un ou l'autre scribe cesse un moment d'écrire pour évaluer d'un regard scrutateur l’œuvre de son voisin et la commenter en deux mots, ou tout simplement pour assister au spectacle de la disparition de l'écriture de l'autre ou de la sienne propre.

 


 Pour les chinois, le centre de l'univers, le lieu où devrait se trouver la Capitale parfaite, est marqué par Kien-mou, "Bois Dressé".

Ce nom a son importance puisqu'en chine le bois est considéré comme un des éléments, le cinquième, au même titre que l'air et la terre, l'eau et le feu.

Il correspond à l'est et au printemps, ainsi qu'au trigramme tch'en, l'ébranlement, du Yi king, car la végétation sort de terre en même temps que le tonnerre qui s'y tenait caché. Kien-mou est l'arbre du renouveau, donc aussi du commencement absolu, celui du monde. (...)Par son tronc qui est creux, montent et descendent les souverains, soleils des hommes, médiateurs entre le ciel et la terre (...)

 


 Dans l'agitation et le bruit, tout problème devient une montagne. Dans l'arrêt du geste et le silence, ce même problème redevient un élément parmi d'autres et même si celui-ci fait mal, même s'il angoisse, il ne déborde pas, il n'envahit plus le champ de la conscience de façon tyrannique; toute la force de la posture, tendue comme un arc, toute la puissance de la respiration, vent qui chasse les miasmes, aide à maîtriser ce tigre sauvage, l'esprit, et à l'apprivoiser, le discipliner.

Alors arrive la clarté intérieure, lune dans une chambre vide, soleil sur une plage déserte où vient mourir  le ressac.

Alors arrive le vrai calme.

 


 

Pouvoir revenir à la découverte, à la surprise, à ce moment précis où nous voyons s'ouvrir devant nous une nouvelle porte, un nouveau paysage, un nouveau mystère. Dans cet esprit du débutant nous nous oublions nous-mêmes dans l'instant vécu, dans l'action accomplie; il nous fait revenir au premier moment, nous dés-encombre de toutes les habitudes qui nous rendent souvent aveugles et sourds.

 

(...), cet esprit du débutant, dans sa fraîcheur, son jaillissement, rejoint peut-être ces autres mots qui nous incitent à découvrir le monde et notre propre cœur à chaque instant (...) Tant d'instants à peine vécus, déjà oubliés, sans un moment d'attention, sans prendre le temps de s'émerveiller (...).